10-11 Novembre

Publié le par Sébastien

    Réveil, 6h30. je me lève, hagard, avec la ferme intention de terminer enfin ma valise. La veille, énorme coup de barre après le repas, impossible d'y mettre un terme. Et puis il me reste ma voiture à vider, elle est encore pleine de cartons (apportés la veille du labo) qu'il va falloir que je trie rapidement pour voir s'il n'y a pas un ou deux trucs importants à emporter avec moi.
    10h, ça y est, tout est bouclé (4-5 kg en trop mais bon…), la voiture est vide, je suis prêt. Je passe prendre ma soeur qui gentiment m'accompagne à l'aéroport.

    Aéroport, tout se passe bien, l'enregistrement est super rapide, reste maintenant à tuer le temps, me retrouvant seul après un dernier succulent sandwich français en famille. Je me suis donc tapé toutes les boutiques duty free puis un café puis je me suis assis et relevé (fabuleux, non ?) enfin, rien de bien palpitant.
    A peine dans l'avion, j'ennuie les hôtesses avec ma guitare. "Chère madame, tu fais grave gaffe à ma guitare ou je te tatane ta face !" Enfin presque… "Euh, z'auriez pas une petite place tranquille pour un objet sensible, s'il vous plait madame ?".
Un apéro, un repas, 3 films dont je ne me rappelle même pas les titres tellement c'était du grand cinéma, une bonne douzaine de zones de turbulences et une heure de sommeil plus tard, le soleil se lève sur la Mongolie et c'est grandiose. Pour ceux qui aiment les vacances à la mer, cocotiers et sable fin, à éviter. Pour les autres qui aiment le vide, le sec, le minéral et le soleil. C'est là qu'il faut aller.
    Une heure avant d'arriver à Pudong Airport, Shanghai (prononcez Chan rhaille), petit dej' genre qui plait à tout le monde (pain humide de la veille, un peu de confiture, un peu de jambon et de fromage, un café moyen et un jus d'orange qui fait mal au bide au réveil. A peine les plateaux retirés, on nous distribue plein de petites fiches en anglais et chinois à remplir. Et là, dur… Non seulement il faut comprendre des langues étrangères la tête dans le c… mais en plus, il faut lire et écrire sur une tablette d'avion en pleine zone de turbulences (ah oui, jusqu'au bout on en a eu) avec un pilote qui se demande où il va tellement il y a de brouillard. J'avais pourtant le hublot qui donne sur l'aile mais je ne la voyais plus.
    Alors moi j'ai déjà essayé de faire ça dans un véhicule en mouvement. En voiture quand j'étais petit, j'ai vomi et en bateau quand j'étais plus grand et qu'il fallait le faire pour le boulot, j'ai vomi aussi. Alors imaginez mon estomac pendant cet atterrissage à l'aveuglette avec les papiers qui ondulent sous mes yeux. J'ai vu repartir le jus d'orange mais comme je suis bien élevé je me suis retenu. Même l'hôtesse a eu un haut le cœur au moment de l'atterrissage et c'est laissé aller à un "oula ben dit donc…" au moment où le pilote a posé en premier les roues droites en laissant bien planer le suspense pour qu'on se demande tous s'il allait enfin poser les autres.
    Barbouillé, je récupère ma guitare, entend mon voisin Belge parler avec un de ses potes en flamand (sans savoir que je comprends couramment le flamand après une nuit en avion) et lui dire "le p'tit gars là il compte rester 2 ans à Shanghai" "2 ans ????" soupir genre "le fou", "et en plus il parle pas un mot de chinois !" "ben j'le plains". Et ben c'est fait, me voilà fixé, je suis dans une galère. Bref, je sors quand même de l'avion, suis la foule, passe devant une passagère se soulageant l'estomac dans une poubelle, le free-style du pilote ayant eu raison d'elle.
    Je passe la douane en sueur. J'ai un pull, un blouson, un gros sac sur le dos, un dans la main, ma guitare, mon ordi et un petit sac à dos en plus et il fait 25°C !! Vérole, on m'avait dit que c'était l'hiver ! Après ça je cherche mon nom dans la foule et le trouve inscrit sur un papier tendu par un chinois. C'est un étudiant du labo où je vais qui est venu me chercher.
    On prend le taxi, je me cramponne au siège pendant 40 minutes jusqu'au labo. Je vous parlerais plus longuement des pratiques routières et de la ville un peu plus tard. Finalement on arrive en vie au labo, je discute 5 minutes avec mon p'tit chef (j'ai un grand chef, responsable du labo et un p'tit chef qui sera mon interlocuteur) et après, hop si on passait à table en compagnie de tout le labo ?
    Plat unique, riz, légumes divers, gras de porc et probablement intestins de porc roulés en forme de petits nœuds papillon et trempés dans une sauce qui t'écoeure rien qu'à l'odeur. Et toi, tu dois faire bonne figure avec ta petite heure de sommeil et ton estomac retourné. Toujours avec le sourire. Remarque, je devais être tellement blanc qu'ils ont bien du se rendre compte que le truc de porc ne passait pas terrible.
   
    Puis c'est la course à l'appartement. Direction le bureau des post-doc. Un gars sympa nous griffonne les n° des plus belles chambres qu'il lui reste sur un papier. Une dans une des nombreuses résidences de l'université où est logé l'ensemble du personnel de la fac et qui est tout prêt du campus et 3 autres plus au nord de la ville. On avait dû mal se comprendre le jour où j'avais compris que la seconde résidence était plus prêt du centre ville or pas du tout, elle est encore plus excentrée.
    A 5 minutes à pieds de la fac, on arrive aux bureaux qui gèrent les appartements. On en visite 3-4 pour arriver à trouver celui qui nous correspond. Et là, c'est le drame ! Le gars des post-doc n'avait pas fait les choses comme il fallait. Le petit bout de papier n'était pas la bonne façon de faire. Il n'avait pas utilisé de papier officiel avec le gros tampon rouge à étoiles que toute administration utilise ici. Alors tout le monde s'est mis à crier en se regardant méchamment. Je suis resté figé. Tant de cris pour un simple papier. Première engueulade avec nous puis avec le gars qu'il a fallu appeler au téléphone puis à nouveau avec nous. Impressionnant. Au bout d'une demie heure, ça se tasse et nous trouvons enfin quelqu'un qui veut bien accepter de nous accompagner jusqu'à l'appart.
    En route donc vers mon nouveau chez moi. Tout le labo m'a dit que c'était très bien et très pratique d'habiter si prêt, peut-être vais-je finalement prendre celui là et non pas le 70m² auquel je rêvais avant de partir. La traversée de la résidence" est sympa au départ, j'ai l'impression de me trouver dans une petite ville avec des bâtiments de 2-3 étages qui ont l'air certes un peu vieux mais ça a l'air d'aller. Puis ça se transforme vite en petites maisons basses pauvres. Mais ce n'est pas encore là, on s'enfonce encore plus dans la résidence pour arriver au bout de la route que l'on suivait, une impasse assombrie par les arbres et les immeubles 7-8 étages qui ont repoussés. Tout est sombre, triste. Pas vraiment de fenêtres, parfois du grillage bouché au papier journal. Je monte au 4ème pour la visite, il y a des traces d'anciennes fuites d'eau partout. Ça y est, je suis dans l'appart.
    Il est spacieux, environ 25-30 m², tout à fait acceptable pour y passer un an ou deux. Par contre, il m'avait dit qu'il était vieux (20ans). Je m'étais dit 20 ans, 1985 ça doit être correct. Raté, faut au moins retirer 40 ans de plus pour tout ce qui est sanitaire. En gros, pas vraiment de salle de bain, un cuisine avec un grand évier carré en porcelaine fendu. Une corde à linge traverse l'appartement de la cuisine jusqu'à la chambre barrant à moitié l'entrée. Les fenêtres ferment mal, il n'y a pas de lit et tout est sombre, très sombre. De saleté et de manque de luminosité. Peut-être est-ce le centimètre de gras qui recouvre tout les mur qui en est à l'origine...
    Là, je me suis senti fondre. Comment faire bonne figure, ne pas paraître outré par l'état des lieux alors qu'eux habitent dans des trucs pareils voire pire avec leur famille ? Ils ont l'air tellement content de me proposer leur plus belle chambre !!! Peut-être faudrait-il simplement changer les mots. "Belle" doit simplement signifier "grande" pour eux. N'empêche qu'après la journée que je venais de passer, je me suis vu craquer, et rentrer immédiatement en France. J'avais un grosse boule dans la gorge, les yeux humides, ne sachant pas comment leur dire que je voulais volontiers trouver un autre solution parce que celle là je ne la supporterais pas pendant un an.
    Nous avons donc retraversé la résidence pour prendre un taxi et aller voir les autres apparts au nord de la ville. La résidence s'appelle Tongji Bei Yuan (prononcez Ton Dji Beille Yuane), ce qui signifie en gros, le village du nord appartenant à l'Université de Tongji. C'est une grande résidence avec des tours pouvant aller jusqu'à 12-15 étages, assez récente avec des aménagements d'arbres au milieu. Classique, un peu comme chez nous, mais sans voiture qui brûlent. Ben oui, ici, dans ces quartiers il n'y a pas de beaucoup de voitures et si tu es logé dans ce genre de résidence c'est que tu bosses pour l'état et que donc tu n'as pas assez d'argent pour te payer une voiture. Bref, nouveau bureau pour trouver les clefs pour faire la visite. Je suis le premier européen à habiter dans ce village, ils ont l'air tout content (et moi donc…).
    Nouveau problème, sur les 3 apparts qu'on me propose, 2 sont encore occupés. Je vais donc visiter l'appart de la dernière chance.
    7ème étage, 85 m², bien éclairé. Je me sens revivre. Ok c'est loin de la fac, du centre ville etc, ok c'est tout proches des quartiers moches de la périphérie, ok c'est plus cher que prévu (25€ ?) mais au moins c'est bcp plus prêt de mes standards d'européen. Par contre, j'ai un peu honte parce que eux n'ont jamais vu un appart comme celui là. Ils ont l'air complètement perdus dedans. On peut y loger une grande famille complète là dedans et je vais être tout seul. Enfin, apparemment ils ont bien l'intention que je me trouve rapidement une copine, ils n'arrêtent pas de m'en parler.
    Donc mon visage s'éclaire, je dis ok pour cet appart. Par contre, je ne pourrais m'y installer que dimanche (on est vendredi là) parce qu'à cette heure ci, les bureaux administratifs sont fermés et ne réouvriront que dimanche. Et on est reparti ! Taxi, bureau des post-doc pour dire oui, traversée de la fac jusqu'à la cité-U pour étudiants internationaux pour me trouver une chambre pour 2 jours. A la cité-u, ils ne prennent pas pour si court et l'hôtel d'à côté ne prend pas les étudiants étrangers. Bref, la nuit tombe et je suis encore à la rue. Reste la Guest House de l'université, un peu à l'extérieur de la fac. Miracle, ça marche, j'ai une chambre…
    Retour à la fac. Je cherche depuis ce matin une thésarde française, Marie (prononcez Ma Ri mais là, c'est facile), qui bosse dans le même bâtiment que moi et que je connais depuis Lille où elle était en DEA. Enfin, elle est joignable. Retrouvailles chaleureuses. On papotte, on va manger ensemble puis je rentre me coucher, il est 19h30, je me glisse ou plutôt me vautre sous ma couette. Beaucoup d'émotions aujourd'hui. J'ai besoin de repos. Bonne nuit…

PS :  après relecture, je sens que je viens de définir mon style d'écriture : longs textes !

Publié dans Bilou en Chine

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Bah dis donc, je sais pas si j'aurais tenu face à tous ça !!
Répondre